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Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Union européenne a décidé d’activer la protection temporaire* par la décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022, pour plusieurs catégories de personnes victimes du conflit.

*La protection temporaire a été créée par la directive 2001/55/CE en cas d’afflux massif de personnes déplacées. Il s’agit d’un dispositif exceptionnel assurant une protection immédiate et de caractère temporaire.

Ce dispositif octroie aux personnes concernées une protection internationale immédiate accompagnée d’un certain nombre de droits que nous tenterons de lister tout au fil de cet article. La décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 ainsi que l’instruction ministérielle (NOR INTV2208085J), relative à la mise en œuvre de cette décision, sont venues préciser les bénéficiaires de cette protection temporaire, ainsi que les modalités d’accompagnement mises en place.

Il s’agit de la première fois depuis l’existence de la directive européenne de 2001 que le dispositif de la protection temporaire est activé. Toutes les thématiques n’ayant pas encore été abordées par les textes, il peut être difficile d’apporter des réponses exhaustives. Aussi, le présent article sera mis à jour au fil de l’actualité et des informations à disposition.

Une venue en France sans visa

Précisons à titre liminaire que, l’Ukraine figurant sur la liste de l’annexe II du règlement UE 2018/1806, ses ressortissants sont exemptés de l’obligation de visa lors du franchissement des frontières extérieures des États membres pour des séjours n’excédant pas 90 jours sur une période de 180 jours. Par conséquent, les citoyens ukrainiens n’ont pas d’obligation de visa pour entrer sur le territoire de l’Union européenne.

Qui peut bénéficier de la protection temporaire ?

A la lumière de la décision d’exécution et de l’instruction ministérielle précitées, les personnes pouvant bénéficier de la protection temporaire sont les suivantes :

1° Les ressortissants ukrainiens

Bénéficient de la protection temporaire les ressortissants ukrainiens qui :

  • Soit, résidaient en Ukraine et ont été déplacés à partir du 24 février 2022 ;
  • Soit, étaient présents au 24 février 2022 sur le territoire d’un État membre de l’UE ou d’un État associé sous couvert d’une dispense de visa ou d’un visa Schengen, et établissant que leur résidence permanente au 24 février 2022 se trouvait en Ukraine.

2° Les bénéficiaires d’une protection en Ukraine

Bénéficient de la protection temporaire les ressortissants de pays tiers ou apatrides qui bénéficient d’une protection internationale ou d’une protection nationale équivalente en Ukraine avant le 24 février 2022.

 3° Ressortissants de pays tiers résidants en Ukraine sous conditions

Bénéficient de la protection temporaire les ressortissants de pays tiers qui :

  • résidaient régulièrement en Ukraine sous couvert d’un titre de séjour permanent en cours de validité délivré par les autorités ukrainiennes

ET

  • qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays ou région d’origine dans des conditions sûres et durables.

Dans ce cas-là, les autorités préfectorales françaises convoquent les personnes à un entretien pour examiner la situation individuelle de la personne. L’instruction ministérielle indique qu’en cas de difficulté, la préfecture « pourra s’appuyer, en tant que de besoin, sur l’expertise de l’OFPRA en matière d’information sur le pays d’origine. »

La Commission européenne est venue apporter des précisions sur la notion de retour dans le pays d’origine dans des « conditions sûres et durables » au sein d’une communication relative aux lignes directrices opérationnelles pour la mise en œuvre de la décision d’exécution mettant en place la protection temporaire. Pour elle, cette notion doit être lue à la lumière de la directive de 2001 faisant « spécifiquement référence aux situations de conflit armé ou de violence endémique et au risque grave de violation systématique ou généralisée des droits de l’homme dans le pays d’origine« .

Pour la Commission, la notion de « retour durable » doit s’entendre du fait que la personne « doit pouvoir jouir dans son pays ou sa région d’origine de droits actifs lui offrant la perspective de voir ses besoins fondamentaux satisfaits dans ce pays ou cette région ainsi que la possibilité d’être réintégrée dans la société« .

Aussi, la Commission donne quelques exemple concernant l’incapacité de « retourner dans des conditions sûres » dans son pays d’origine. Il peut s’agir :

  • d’un risque évident pour la sécurité de la personne concernée ;
  • de situations de conflit armé ou de violence endémique ;
  • de risques documentés de persécution
  • d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants

Cette liste n’est pas exhaustive et la Commission appelle les États membres à se fonder sur la « situation générale dans le pays ou la région d’origine« .  Toutefois, c’est à la personne concernée de prouver ( et/ou de fournir des éléments) qu’elle ne peut retourner dans son pays dans des conditions sûres et durables. La Commission indique également à ce sujet que les « États membres devraient tenir compte de la question de savoir si la personne concernée a toujours un lien significatif avec son pays d’origine, en prenant en considération, par exemple, le temps de résidence passé en Ukraine ou l’existence d’une famille dans son pays d’origine« .

4° Les membres de famille

Bénéficient de la protection temporaire les membres de familles des personnes mentionnées aux 1°, 2°, 3° s’ils ont eux-mêmes été déplacés d’Ukraine à partir du 24 février. La circonstance qu’ils pourraient retourner dans leur pays ou région d’origine dans des conditions sûres et durables ne leur est pas opposée.

Sont entendus comme membres de famille :

  • Le conjoint ou le partenaire engagé dans une relation stable ;
  • Les enfants mineurs non mariés ou ceux de leur conjoint, qu’ils soient issus ou non du mariage ou qu’ils aient été adoptés ;
  • Les autres parents proches qui vivaient au sein de la famille et qui étaient entièrement ou principalement à la charge d’une personne mentionnée aux 1°, 2° ou 3°

A ce titre, l’étranger bénéficiant de la protection temporaire peut également demander à être rejoint :

  • par un membre de sa famille qui bénéficie de la protection temporaire dans un autre Etat membre de l’Union européenne
  • ou par un membre direct de sa famille non encore présent sur le territoire de l’UE.

La demande doit être adressée à la préfecture du lieu de résidence.

5° Les personnes non éligibles à la protection temporaire

A contrario, l’instruction précise que ne sont pas éligibles à la protection temporaire les personnes suivantes :

  • Les ressortissants ukrainiens détenteurs d’un titre de séjour en France qui arrive à expiration. Ces derniers sont invités à se rendre en préfecture pour un examen de leur situation individuelle. En fonction de la situation un renouvellement ou un changement de titre de séjour pourra être sollicité. Ils pourront également, s’ils le souhaitent, déposer une demande d’asile auprès des autorités françaises.
  • Les ressortissants de pays tiers qui sont en mesure de regagner leur pays d’origine dans des conditions sûres et durables. Dans ce cas, la préfecture examinera le droit au séjour de ces personnes. Un accès à la procédure de demande d’asile reste également ouvert.
  • Les ressortissants de pays tiers en provenance d’Ukraine dont la demande d’asile était en cours d’examen en Ukraine le 24 février. Dans ce cas, les personnes doivent si elles le souhaitent, déposer une demande d’asile en France.

Précisons également qu’un étranger pourra être exclu du bénéfice de la protection temporaire si :

  • Il existe des indices graves ou concordants qui rendent vraisemblable que la personne a pu commettre :
    • Un crime contre la paix ;
    • Un crime de guerre ;
    • Un crime contre l’humanité ;
    • Un crime grave de droit commun commis hors du territoire français ;
  • Il existe des indices graves ou concordants qui rendent vraisemblable que la personne s’est rendu coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ;
  • Sa présence en France constitue une menace pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat.

Comment demander la protection temporaire ?

La demande de protection temporaire se fait à la Préfecture de votre lieu de résidence. Les modalités pour obtenir un rendez-vous semblent avoir été mises en ligne sur le site de chaque préfecture.

Pour la préfecture de l’Isère un rendez-vous est à solliciter à l’adresse mail suivante : pref-ukrainiens@isere.gouv.fr

Les personnes seront reçues par le service de l’Immigration et de l’Intégration à la Préfecture de l’Isère (12 place de Verdun 38000 Grenoble) du lundi au vendredi de 09h00 à 12h00 et de 13h00 à 15h30.  Les personnes intéressées devront se rendre au rendez-vous avec le formulaire de demande d’autorisation provisoire de séjour (APS) au titre de la protection temporaire ainsi qu’avec les pièces demandées en fonction de votre situation.

Pour les informations concernant la préfecture de l’Isère :

https://www.isere.gouv.fr/Publications/Salle-de-presse/Derniers-communiques/Accueil-des-Ukrainiens-sur-le-territoire-francais

Quels sont les droits ouverts par la protection temporaire ?

Le droit au séjour découlant de la protection temporaire

Tout bénéficiaire de la protection temporaire se verra remettre une autorisation provisoire de séjour d’une durée de 6 mois portant la mention « bénéficiaire de la protection temporaire »

La demande de cette autorisation provisoire de séjour est réalisée à la préfecture du lieu de résidence de la personne.

Cette autorisation provisoire de séjour sera renouvelée de plein droit pendant toute la durée de validité de la décision du Conseil de l’Union européenne actionnant la protection temporaire. Selon cette décision la protection temporaire est actuellement activée pour une durée initiale d’un an c’est-à-dire jusqu’au 4 mars 2023). En fonction de l’évolution de la situation en Ukraine, la protection temporaire pourra être prorogée automatiquement par période de six mois pour une durée maximale d’un an (soit, jusqu’au 4 mars 2024).

La durée de l’Autorisation provisoire de séjour peut être limitée à la période restant à courir jusqu’au terme de la protection temporaire.

Les ressources délivrées

Les bénéficiaires de la protection temporaire bénéficieront de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), bien qu’ils ne soient pas demandeurs d’asile. Cette allocation sera versée pendant toute la durée de leur protection à condition de satisfaire aux conditions :

  • D’âge (avoir au moins 18 ans)
  • De ressources (percevoir des ressources inférieures au montant du RSA, soit 565.34 €)

Une carte de paiement sera délivrée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration.

Cette carte sera délivrée de 2 manières possibles :

  • Directement en préfecture en même temps que la remise de l’attestation provisoire de séjour lorsque ces dernières disposent d’un guichet unique pour demandeur d’asile (GUDA) ;
  • A la direction territoriale de l’Office français de l’immigration et de l’intégration compétente pour les préfectures ne disposant pas d’un GUDA

Le montant de l’allocation est fixé à 6,80€ par jour, majoré à hauteur de 3.40€ par personne supplémentaire dans le foyer. En l’absence de texte précis, il est difficile de savoir aujourd’hui, si la majoration accordée aux demandeurs d’asile sans proposition d’hébergement sera également accordée aux bénéficiaires de la protection temporaire.

A cette allocation pourront s’ajouter les aides personnalisées au logement (APL) auxquelles sont éligibles les bénéficiaires de la protection temporaire conformément à l’article D512-1 du Code de la sécurité sociale.

L’accès à la Protection universelle maladie

Afin de pouvoir bénéficier d’une prise en charge de leurs frais médicaux, les bénéficiaires de la protection temporaire pourront accéder à la protection universelle maladie sans délai à leur arrivée en France. Ils pourront également ouvrir un droit d’un an à la complémentaire santé solidaire.

Consulter la page de l’Assurance Maladie relative aux modalités d’accès aux droits et à la prise en charge des frais de santé.

A noter que les ressortissants français qui résidaient en Ukraine ou en Russie, de retour en France, pourront aussi bénéficier de droits immédiats à l’Assurance Maladie.

L’accès au travail

Les personnes titulaires de la protection temporaire sont également autorisées à exercer une activité professionnelle dès l’obtention de l’autorisation provisoire de séjour (Décret n° 2022-468 du 1er avril 2022 relatif au droit au travail des bénéficiaires d’une protection temporaire).

Pôle emploi a développé un questionnaire en ligne (en français et en ukrainien), afin d’identifier les souhaits, diplômes, compétences et expériences professionnelles des personnes titulaires de la protection temporaire. En fonction des diagnostics, Pôle emploi peut vous accompagner dans votre recherche d’emploi.

Si vous avez moins de 25 ans, la mission locale de proximité peut vous proposer un accompagnement socio-professionnel. Retrouvez l’annuaire des missions locale en cliquant ici

Un arrêté du 27 avril 2022 est également venu modifier le code de commerce et l’arrêté du 29 décembre 2021 relatif aux pièces justificatives à produire à l’appui des demandes d’inscription et de radiation au répertoire des métiers. Les bénéficiaires de la protection temporaire peuvent donc désormais effectuer des demandes d’inscription au répertoire des métiers ainsi que des demandes d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés afin d’exercer une profession indépendante.

Pour plus d’information, vous pouvez consulter Le guide pratique sur le droit au travail des étrangers, disponible sur Les ressources de l’Adate.

L’accès à un hébergement et à un accompagnement social

L’instruction précise qu’il revient aux préfectures d’informer et d’orienter « les personnes concernées vers les dispositifs d’accueil et de prise en charge administrative pertinents. »

Il est donc important que les personnes sans solution d’hébergement se rapprochent de la préfecture afin que cette dernière leur donne toutes les informations utiles et nécessaires pour obtenir une solution.

Les préfectures sont également sensées désigner une ou plusieurs associations référentes au sein du département concernant l’accompagnement des personnes qui ne sont pas hébergées dans un site pris en charge par une association assurant un accompagnement social ou par les centres communaux d’action sociale.

Si les bénéficiaires de la protection temporaire peuvent bénéficier des APL, ils ne peuvent bénéficier en l’état du droit d’un accès aux logements sociaux. En effet, les autorisations provisoires de séjour des bénéficiaires de la protection temporaire n’étant pas présent dans l’arrêté du 29 mai 2019 fixant la liste des titres de séjour prévue au 1° de l’article R. 441-1 du code de la construction et de l’habitation, les titulaires de cette autorisation provisoire de séjour ne peuvent prétendre à l’accès à un logement social.

L’accès à la scolarité

Conformément au code de l’éducation tous les enfants âgés de 3 à 16 ans doivent avoir un accès garanti à l’instruction. Les enfants âgés de 16 à 18 ans doivent pouvoir bénéficier d’une formation. Dès lors les enfants des personnes bénéficiaires de la protection pourront accéder au système éducatif au même titre que tous les mineurs présents sur le territoire national.

 

S’agissant de l’enseignement supérieur :

Une circulaire du 22 mars 2022 est venue préciser les modalités d’accueil des étudiants déplacés d’Ukraine bénéficiaires de la protection temporaire. Un dispositif particulier a été mis en place afin de prendre en charge les candidatures des étudiants arrivant dès maintenant. Ces derniers pourront ensuite être intégrés dans des cursus plus classiques pour l’année scolaire suivante.

Toute demande d’admission dans l’enseignement supérieur doit être adressée à l’adresse mail suivante : ukraine@campusfrance.org

Il sera demandé à la personne de décrire sa situation dans un formulaire et « les demandes seront portées à la connaissance des établissements qui ont manifestés leur volonté d’accueil via une plateforme de mise en relation. Les établissements contacteront alors les étudiants« .

Les personnes qui bénéficieraient d’une inscription dans un établissement d’enseignement supérieur, pourront être hébergés dans les logements disponibles dans les Crous (dans la limite des capacités existantes) et en Île-de-France par la CIUP selon les logements disponibles. Les étudiants pourront bénéficier des APL.

Une aide d’urgence pouvant aller jusqu’à 500€ pourra également être demandée auprès du Crous. Cette dernière sera versée après évaluation sociale par les services sociaux. Est entendu également que les étudiants bénéficiaires de la protection temporaire auront droit aux bourses sur critères sociaux sous réserve de respecter les conditions prévues par la règlementation et pourront bénéficier des repas en restaurant universitaire à 1€.  La circulaire précise également que les établissements pourront mobiliser la CVEC (contribution de vie étudiante et de campus) pour financer des aides financières ou matérielles.

En cas de besoin, les étudiants concernés pourront se rapprocher des Services de santé universitaires afin de consulter les psychologues du dispositif Santé Psy Etudiant.

Enfin, la circulaire vient préciser les modalités du programme PAUSE à destination des chercheurs ukrainiens. Pour plus d’information sur ce programme : https://www.programmepause.org/?page_id=1870

L’introduction d’une demande d’asile

Enfin, il est tout à fait possible pour un bénéficiaire de la protection temporaire d’introduire une demande d’asile. Attention toutefois, le bénéfice de la protection temporaire ne préjuge pas la reconnaissance de la qualité de réfugié.

Tout bénéficiaire de la protection temporaire reste soumis au régime de la protection temporaire pendant l’instruction de sa demande d’asile et peut donc bénéficier des droits ouverts grâce à la protection temporaire.

Si, à l’issue de l’examen de sa demande d’asile, le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire n’est pas accordé à l’étranger bénéficiaire de la protection temporaire, il conserve le bénéfice de cette protection aussi longtemps qu’elle demeure en vigueur.

Lors d’une demande d’asile, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides étudiera le dossier au regard de la Convention de Genève et du CESEDA afin de voir si la personne peut bénéficier du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire.

Pour plus d’info sur la procédure de demande d’asile et sur les statuts de réfugié et de bénéficiaire de la protection subsidiaire vous pouvez consulter notre page internet relative à l’asile : https://www.info-droits-etrangers.org/sejourner-en-france/lasile/les-differentes-formes-de-protection/

Mis à jour le 12/05/2022